Avant-propos

Avant-propos

Abraham entra en possession du champ

en présence des Hétiens

et de tous ceux qui passaient la porte de la ville.

                                       la Bible,Genèse, XXIII,18

Sans signes communs et sans support pour les recevoir, les hommes ne pouvaient acquérir durablement et officiellement un bien  sans le faire devant témoins. Plus ces derniers étaient nombreux, plus nombreuses étaient les traces, plus l'acquéreur était assuré que son investissement ne serait pas remis en cause. Lorsqu' Abraham voulut acheter un emplacement pour enterrer sa femme, il fit cette transaction publiquement, comme c'était la coutume.

         La roche, à l'abri des cavernes a reçu les premiers témoignages de civilisation écrite. Prières ou ex-voto, les dessins pariétaux sont l'expression matérielle du langage d'une communauté. L'homme, 3000 ans av. J.-C., pratique des entailles sur des os afin de laisser la trace d'une information. Si ces formes d'expression n'ont qu'un lointain rapport avec l'écriture, ce dernier système d'ordre mnémotechnique est déjà une évolution car le support est transportable. La révolution sera ensuite l'invention de l'écriture.

         S'assurer de la pérennité de l'expression, de l'idée, du savoir, de la loi civile ou religieuse souvent intimement liées est pour les chefs des peuples un des soucis premiers. Les lois reçues par Moïse furent gravées sur la pierre. Le choix du support et le choix de la technique d'écriture semblent prouver un souci de conservation. Même si Moïse doit faire réécrire les tables de la Loi qu'il a brisées dans un geste de colère, la pierre et la gravure apparaissent comme le meilleur moyen de conservation du message. Encore aujourd'hui, l'épitaphe gravée dans le marbre témoigne du souhait de l'homme de conserver durablement la trace de son passage sur terre.

         Longtemps après Abraham, les plaintes de Job nous renseignent deux autres supports de l'écriture.

Qui me donnera qu'elles(mes paroles) soient tracées dans un livre avec une plume de fer,

et aussi sur une feuille de plomb

ou bien qu'elles soient taillées au ciseau dans la pierre?

                                                           la Bible, Job XIX- 23,24

(A l'époque de Job, on écrit sur du bois ou de l'écorce. Le mot liber est souvent traduit par livre, terme que je préfère réserver à l'assemblage de feuilles imprimées et reliées)

Nous retrouverons le plomb quelques milliers d'années après, non plus sous forme de feuilles, support d'écrit mais sous forme de caractères moulés, instrument pour écrire.

         Sur des supports rigides, la gravure semble le moyen le plus efficace de conserver un texte. On connaît des liasses de feuilles de palmier traversées par une ficelle, découpées au même format rectangulaire, sur lesquelles les caractères sont gravées au stylet[1]. L'habitude, l'habileté des ouvriers graveurs, le souci de la conservation et de la transmission des préceptes médicaux ne sont peut-être pas ici les seules raisons du choix technique: il faut pour écrire lisiblement, utiliser un support imperméable; très peu de végétaux sont aptes, sans une préparation, à recevoir un liquide sans l'absorber en partie au moins. Il s'agit donc de ne pas se priver d'une matière première abondante, facile à transporter que l'on sait préparer et que l'on utilise avec la méthode la plus appropriée.  En Mésopotamie, 3000 ans av. J.-C., Babylone possède une bibliothèque où les textes sont gravés dans des briques d'argile  cuite au four. Ninive nous a laissé plus de 20000 tablettes qui, 700 ans av. J.-C., étaient répertoriées et conservaient des actes officiels et des textes scientifiques. Bois, os, feuilles de plomb ou de végétaux, briques d'argile, tous les supports locaux apprêtés ou transformés sont utilisés jusqu'à ce que l'homme se mette à fabriquer un support spécifique pour l'écriture. Une deuxième grande évolution dans l'histoire de la transmission de l'écrit est l'utilisation du papyrus et du parchemin.